C’est une arme puissante que la prière, un trésor inépuisable, une intarissable richesse, un havre à l’abri des tempêtes, un réservoir de calme :

oui, la prière est la racine, le principe, la mère de biens sans nombre. Elle donne intrinsèquement plus de puissance que la royauté. Plus d’une fois on a vu la fièvre dévorer celui qui ceint le diadème ; il gît tout brûlant sur ton lit ; autour de lui se pressent des gardes, des médecins, des officiers de service, des généraux ; mais ni l’art des médecins, ni la présence des amis, ni les services des domestiques, ni la diversité des remèdes, ni un splendide appareil, ni l’abondance des richesses, ni aucune autre ressource humaine n’est capable de procurer au malade le moindre soulagement. Que l’un de ces hommes qui savent parler à Dieu se présente, qu’il touche simplement ce corps, qu’il fasse pour lui une fervente prière, et le mal disparaît aussitôt. Ce que n’ont pu ni les richesses, ni la multitude des serviteurs, ni le savoir, ni l’expérience, ni l’appareil royal, la prière d’un seul homme, souvent pauvre et indigent, l’a obtenu. Et quand je parle de prière, je ne parle pas d’une prière faite avec négligence et lâcheté ; je parle d’une prière fervente, d’une prière faite avec une âme contrite et un esprit attentif.

Cette prière remonte jusqu’aux cieux et de même que les eaux, lorsqu’elles coulent en plaine et se répandent sans obstacle, ne sauraient s’élever dans les airs, au lieu que refoulées par la main des ouvriers ou introduites en d’étroits canaux, elles s’élancent dans les airs plus rapides qu’un javelot, ainsi l’âme humaine, lorsqu’elle jouit d’une liberté sans bornes, se dissipe et s’affaiblit ; au lieu que comprimée par les tribulations et refoulée par les angoisses, elle puise dans ces épreuves la force de faire monter vers les cieux de pures et ardentes prières. Oui, ce sont surtout les prières offertes dans la tribulation que Dieu exaucera de préférence. Écoutez ces mots du Prophète : «’ai crié vers Dieu au milieu de la tribulation, et il m’a écouté». Ranimons donc la ferveur de notre âme. Et courbons notre tête au souvenir affligeant de nos péchés, non pour nous embarrasser nous-mêmes, mais pour que nos prières soient exaucées, pour que notre âme devienne sobre et vigilante, et qu’elle se rapproche des cieux. Rien n’est propre à chasser la tiédeur et la négligence comme l’affliction et la douleur ; elles enlèvent l’âme à la dissipation et la font rentrer en elle-même. Celui qui prie dans ces sentiments verra après ses longues prières une douce volupté s’emparer de son âme. De même que les nuées, en s’entrechoquant, obscurcissent l’air tout d’abord, puis quand elles se sont fondues en orage et qu’elles ont versé la pluie qui remplissait leur sein, l’air redevient calme et pur, de même la douleur, tant qu’elle est renfermée dans notre âme, obscurcit nos pensées ; mais lorsqu’à l’aide des paroles de la prière qu’accompagnent les larmes elle se déverse et répand son souffle en dehors, il se fait dans l’âme une admirable sérénité, les faveurs divines pénétrant comme des rayons dans le cœur de celui qui prie.

Savez vous quel est le langage habituel du plus grand nombre ?

Je suis sans motif de confiance, je rougis de honte, je ne peux pas ouvrir la bouche.—C’est là une crainte satanique ; ce sont là les prétextes de la lâcheté ; c’est le diable qui s’efforce de vous fermer les portes qui donnent accès jusqu’à Dieu. Vous n’avez pas de motifs de confiance ? Et voici un grand motif de confiance, voilà un sentiment bien précieux, que d’estimer n’avoir pas de sujet de confiance ; de même que c’est pour nous le sujet d’une condamnation ignominieuse et terrible que de croire en avoir. Quelques bonnes œuvres que vous ayez faites, quand même votre conscience ne vous ferait aucun grand reproche, dès lors que vous croyez avoir de justes motifs de confiance, votre prière demeure stérile. Votre conscience serait elle, au contraire, chargée du fardeau de mille péchés, soyez seulement convaincu que vous êtes le dernier des hommes, et vous pourrez vous adresser à Dieu en toute confiance.